Une histoire des sexualités by unknow

Auteur:unknow
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, Sexualité
ISBN: 9782130729792
Éditeur: PUF
Publié: 2018-08-14T22:00:00+00:00

QUATRIÈME PARTIE

LE XIXe SIÈCLE

par Gabrielle Houbre

E n 1976, dans La Volonté de savoir , premier des trois tomes de son Histoire de la sexualité , Michel Foucault, professeur au Collège de France, propose des analyses capitales de la sexualité au XIX e siècle, un siècle marqué avant tout par la puissance ascendante du biopouvoir médical culminant à la Belle Époque, soit à partir des années 1880.

Deux nouveaux vocables apparaissent alors dans la terminologie médicale, à commencer par « sexualité », dont l’utilisation rend d’abord compte de la reproduction des végétaux pour s’élargir ensuite vers les animaux et les êtres humains. Julien Joseph Virey intitule ainsi « Sexualité, génération des êtres » une annexe de son Histoire naturelle du genre humain (1800). On rencontre plus tardivement « sexologie », lorsque se constitue en France vers 1910

la science de la sexualité, sous l’influence de la médecine allemande. Les médecins sont en effet des producteurs féconds de discours et de pratiques médicalisant la sexualité. Ils élaborent des savoirs où la logique de la norme l’emporte globalement sur leur rapport à la loi. Ils développent une argumentation rationnelle qui prétend différencier le normal du pathologique, dans une perspective de régulation sociale et de contrôle de la sexualité. De ce point de vue, ils ne s’éloignent guère des discours pluriséculaires de l’Église en promouvant une sexualité conjugale à finalité reproductive et en proscrivant tout comportement susceptible d’y contrevenir.

Ce « dispositif » de sexualité, pour reprendre la terminologie de Foucault, est élaboré par des hommes, c’est à souligner. Les facultés de médecine ne s’ouvrent que tardivement aux femmes ; elles sont d’abord investies par des étudiantes étrangères et il faut attendre 1875 pour voir Madeleine Brès devenir la première Française à exercer la profession de médecin. À la fin du siècle, on compte à peine une centaine de doctoresses dans toute la France et il n’est pas question qu’elles osent jouer de leur titre pour traiter directement de la sexualité. Madeleine Brès se spécialise ainsi sagement dans la médecine de l’allaitement et de l’enfant, domaine

spécifiquement féminin. Ceci n’est pas sans incidence sur une médecine intrinsèquement marquée par une vision de l’organisation sociale reprenant à son compte la différenciation pointilleuse des sexes féminin et masculin héritée du siècle précédent.

Le XVIII e siècle a en effet été décisif dans l’élaboration et la diffusion d’une nouvelle identité féminine, imaginée sous une double face physique et morale. Ainsi le Système physique et moral de la femme du médecin Pierre Roussel, édité pour la première fois en 1775 et republié jusqu’à la fin du Second Empire, généralisait une nature féminine vulnérable et sensitive, dépendante de la force protectrice et de la raison masculines. Cette idéologie biologisante se retrouve sous la plume de Portalis, l’un des rédacteurs du Code civil de 1804, lorsqu’il justifie ainsi l’infériorisation de « la » femme, ici dans son acception universelle ainsi que la domination masculine :

Ce ne sont point les lois, c’est la nature même qui a fait le lot de chacun des sexes. La femme

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